Le spectaculaire comme anesthésie : quand le trop détruit le vrai
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Quand le ciel déborde et que les mots se taisent, il ne reste que le silence pour écouter ce qui tremble encore. |
Il y a un glissement insidieux dans notre rapport au spectaculaire. Ce n’est pas seulement la violence qui s’en trouve déformée — c’est aussi le beau, le tendre, le juste. À force de vouloir tout intensifier, tout magnifier, tout sublimer, nous avons déplacé les seuils du sensible. Ce qui était autrefois bouleversant devient fade. Ce qui était grave devient banal.
Dans le registre du mal, la surenchère est évidente. Là où une gifle était autrefois un acte répréhensible, il faut aujourd’hui du sang, du drame, du carnage pour provoquer une réaction. Tuer un homme devient presque normal — un exploit du plus fort. La violence, mise en scène, répétée, amplifiée, perd son poids. Elle devient un jeu, un défi, une performance. Nous avons fini par perdre notre humanité.
Même dans le registre du beau, ce mécanisme opère. Une lumière douce ne suffit plus, il faut des couchers de soleil retouchés. Une émotion simple ne suffit plus, il faut des déclarations enflammées, des gestes grandioses. Et alors, l’amour devient cliché, la tendresse devient décor, la beauté devient filtre.
À force de cris, le monde devint sourd. Le vrai appel se noyait dans l’écho des simulacres.
Prenons un exemple : N’avez-vous jamais regardé quelqu’un en lui disant qu’il était “merveilleux”, alors que vous ne le pensiez pas vraiment ? Non par méchanceté, mais parce que ce mot est devenu un réflexe, un incontournable du vocabulaire affectif. On le dit pour rester dans le courant, pour ne pas détonner. Et pourtant, merveilleux vient de merveille — ce qui suscite l’étonnement, l’admiration, ce qui dépasse l’ordinaire. C’est un mot intense, presque sacré. Il n’a pas de degré supérieur. On ne peut pas être “plus merveilleux” — on l’est, ou on ne l’est pas. À force d’être utilisé sans justesse, merveilleux ne suscite plus la merveille. Il ne révèle plus rien. Il ne touche plus. Il n’émerveille plus.
Ce glissement est dangereux. Il ne rend pas le monde plus intense — il le rend insensible. Il ne nous rapproche pas du réel — il nous en éloigne. Et quand quelqu’un souffre vraiment, ou aime vraiment, ou veut simplement dire quelque chose de juste, il se retrouve en prison dans une langue trop stylisée pour porter sa vérité.
Le monde, saturé de hurlements, ne reconnaissait plus la voix qui tremble.
Il est urgent de réapprendre à écouter ce qui ne crie pas. À reconnaître la beauté sans mise en scène. À redonner aux mots leur capacité à dire sans déformer.
Si ce texte vous a remué, laissez-le vous accompagner un moment. Et si quelque chose en vous veut répondre — par un mot, une nuance, une objection ou un écho — je vous invite à le partager.
Tout cela est hélas trop vrai. La souffrance devient un spectacle dont nous finissons par avoir besoin. Le coeur ne fait que pâtir de ce trop plein pour les yeux !
RépondreSupprimerMerci pour ton commentaire, Jean-Marie.
SupprimerBesoin ? je ne sais pas, mais c'est un phénomène de mode qui obligent ceux qui veulent rester dans le groupe à s'y plier.
Cette souffrance banalisée, fait que lorsqu'on est vraiment dans le mal, (polytraumatisme, stress-postraumatique...) on n'est plus entendu. Les gens pensent que c'est du cinéma, qu'on en fait tout un plat. Et cela aggrave tout simplement notre quotidien. On se sent encore plus rejeté, on ne peut plus parler à personne et cela nous isole socialement.
C'est d'ailleurs pourquoi, je refuse de décrire les choses, et que je préfère les faire ressentir. Et le style poétique, les métaphores sont les meilleurs outils en ma possession pour y arriver.